Des jardins autour du monde

Texte : Dominique Guerrier-Dubarle
Photos : Dominique Guerrier-Dubarle
In : Les Jardins d’Eden / Tuinen van Eden / Printemps 2013

Intimate landscapes desired by the banker Albert Kahn (1860-1940), these gardens, created between 1895 and 1910 along the Seine, in the city of Boulogne-Billancourt, a few steps from Paris-Auteuil, celebrate spring in the Japanese way.

Paysages intimistes, œuvre du banquier Albert Kahn (1860-1940), ses jardins, créés entre 1895 et 1910 au bord de la Seine, à Boulogne-Billancourt, à quelques pas d’Auteuil et de Paris, célèbrent le printemps à la manière japonaise.

À déambuler légèrement dans ses allées, par une fraîche matinée de mars, impossible de ne pas être attiré par cette floraison rosée, légère, frémissant au moindre vent, celle des cerisiers du Japon. Tel un nuage qui enveloppe la prairie, reflétant dans ses millions de pétales un soleil encore timide, ces cerisiers illuminent le jardin japonais, un des jardins de ce lieu étonnant, où l’on fait un tour du monde en une promenade.

Les jardins du musée Albert-Kahn sont célèbres pour la prairie des cerisiers du Japon à l'envoûtante floraison. Le jardin japonais, oeuvre du paysagiste Fumiyaki Takano, recèle également une pyramide couverte d'azalées qui se mire dans le cours d'eau qui traverse tout ce jardin, symbolisant le cours de la vie.
Les jardins du musée Albert-Kahn sont célèbres pour la prairie des cerisiers du Japon à l’envoûtante floraison. Dans cette partie japonaise, due au concepteur Fumiyaki Takano, une pyramide recouverte d’azalées, fleurit quelques semaines plus tard.

Au tout début du XXe siècle, Albert Kahn séjourne à Boulogne, dans une demeure aux façades claires, entourée d’un jardin. Alsacien d’origine, banquier mais aussi mécène et philanthrope, fils spirituel d’Henri Bergson, il consacre sa fortune à la réalisation d’un vaste projet qui préfigure l’esprit de la Société des Nations : la réconciliation des peuples par une meilleure connaissance mutuelle et une prise de conscience des réalités sociales, politiques et économiques de pays alors très peu connus de l’Europe occidentale.

Chez lui, dans sa propriété de Boulogne-Billancourt -alors Boulogne-sur-Seine-, propriété qui s’est agrandie petit à petit au fil des rachats de parcelles voisines, Albert Kahn poursuit son oeuvre en recréant les paysages qu’il chérit. Dans ses jardins, il rassemble en toute harmonie des scènes issues de traditions occidentales et orientales, sans oublier des forêts : forêts bleue et dorée, sans oublier celle de son pays natal, les Vosges.

LES SAKURA, CERISIERS JAPONAIS Les cerisiers ornementaux japonais appartiennent principalement à quatre espèces à fleurs simples : Prunus serrulata (fleurs roses), Prunus speciosa (fleurs blanches), Prunus x yedoensis (hybride de P. speciosa et de P. subhirtella 'Pendula', fleurs rose très pale), Prunus sargentii (fleurs roses parfois foncé).  On recense de nombreux cultivars, sous-espèces et variétés de ces «Sakura». Le cultivar 'Sunset Boulevard' a été créé en 1988 par la pépinière de l’Arboretum de Kalmthout en Belgique sous la forme d'une plante de semis du P. serrulata 'Benden'.  Prunus 'Shirotae' (ou P. 'Mount Fuji', P. 'Hosokawa') est un cultivar de speciosa à fleurs «doubles» d’un blanc neigeux, à 10-20 pétales. L’histoire horticole des Sakura est très complexe et nous vous convions bien volontiers à la relecture de l’article «Avec Benoît Choteau, les cerisiers à fleurs» paru dans le numéro 41 des Jardins d’Eden.
LES SAKURA, CERISIERS JAPONAIS
Les cerisiers ornementaux japonais appartiennent principalement à quatre espèces à fleurs simples : Prunus serrulata (fleurs roses), Prunus speciosa (fleurs blanches), Prunus x yedoensis (hybride de P. speciosa et de P. subhirtella ‘Pendula’, fleurs rose très pale), Prunus sargentii (fleurs roses parfois foncé).
On recense de nombreux cultivars, sous-espèces et variétés de ces «Sakura». Le cultivar ‘Sunset Boulevard’ a été créé en 1988 par la pépinière de l’Arboretum de Kalmthout en Belgique sous la forme d’une plante de semis du P. serrulata ‘Benden’.
Prunus ‘Shirotae’ (ou P. ‘Mount Fuji’, P. ‘Hosokawa’) est un cultivar de speciosa à fleurs «doubles» d’un blanc neigeux, à 10-20 pétales. L’histoire horticole des Sakura est très complexe et nous vous convions bien volontiers à la relecture de l’article «Avec Benoît Choteau, les cerisiers à fleurs» paru dans le numéro 41 des Jardins d’Eden.

Le plus célèbre de ces jardins est sans conteste, le jardin japonais. Au début de la création du jardin, ce sont de véritables maisons traditionnelles qui arrivent du pays du soleil levant pour y recréer un village japonais, aux toits de chaume, niché dans un somptueux écrin végétal.

Dans le milieu des années soixante, un incendie en détruit malheureusement une partie et c’est l’architecte Fumiaki Takano qui vient y recréer, plus tard, dans les années 80 et à l’occasion d’une nouvelle gestion, un jardin contemporain d’inspiration japonaise dont le concept paysager est basé sur la symbolique de la vie humaine : un cours d’eau jaillissant, tempétueux ou plus calme, traduit  les différents âges de la vie.

Le paysage de ce microcosme est marqué au printemps par la floraison immaculée des cerisiers et celle, flamboyante de la montagne des azalées.

HANAMI, LA FETE DES CERISIERS Au Japon, la floraison des cerisiers fait l’objet d’un temps de contemplation ( hanami, regarder les fleurs) qu’observent tous les habitants : c’est le moment de se retrouver dans les parcs, au pied de ces arbres, pour pique-niquer en famille et admirer ces splendides floraisons. Près de Paris, au parc de Sceaux où un bosquet de 150 P. serrulata ‘Kanzan’ a été planté près du Grand Canal, les japonais de la région s’y retrouvent nombreux pour y fêter Hanami, en général entre mi et fin avril. En Belgique, au jardin japonais de Hasselt, la fête des cerisiers se tient chaque année début avril.
HANAMI, LA FETE DES CERISIERS
Au Japon, la floraison des cerisiers fait l’objet d’un temps de contemplation ( hanami, regarder les fleurs) qu’observent tous les habitants : c’est le moment de se retrouver dans les parcs, au pied de ces arbres, pour pique-niquer en famille et admirer ces splendides floraisons. Près de Paris, au parc de Sceaux où un bosquet de 150 P. serrulata ‘Kanzan’ a été planté près du Grand Canal, les japonais de la région s’y retrouvent nombreux pour y fêter Hanami, en général entre mi et fin avril.

Spectacle émouvant de délicatesse et de fraîcheur, la floraison des Prunus est chaque année un moment fort dans la suite d’évènements floristiques dont le jardin est le théâtre. Jusqu’à l’année dernière, le Prunus mume, l’abricotier du Japon, était le premier à fleurir à la fin de l’hiver. Planté depuis la création du jardin japonais aux côtés de la haute porte sombre qui s’ouvrait à l’origine sur les maisonnettes en bois, il annonçait le printemps de sa floraison rosée : «Malheureusement les rigueurs de l’hiver dernier ont eu raison de lui», constate Michel Farris, responsable du jardin et formé ainsi que ses jardiniers aux techniques de taille et d’entretien bien spécifiques pratiquées au Japon. «Et nous aurons beaucoup de difficultés pour en trouver un nouvel exemplaire car ils ne se trouvent guère qu’en Asie ou au Japon».

Les azalées aux nuances  rosées et fuchsia recouvrent la pyramide et se mirent dans le cours d'eau qui traverse le jardin, comme la vie au milieu du monde.
Les azalées aux nuances rosées et fuchsia recouvrent la pyramide et se mirent dans le cours d’eau qui traverse le jardin, comme la vie au milieu du monde.

Un peu plus loin, et un peu plus tard -en mars-avril suivant les années-, les Prunus sakura et subhirtella déployent leurs branches couvertes de fleurs au dessus de la prairie : le premiers, d’un rose léger, et le second, blanc nacré, ont étendu leurs ramures jusqu’à surplomber la rivière. La douceur de ces frondaisons aériennes contraste avec les berges de pierre acérées qui symbolisent, dans la vie de l’être humain, les difficultés de l’âge adulte. Plantés il y a une trentaine d’années, ils poursuivent leur croissance aux côtés de magnolias d’espèces variées : «Les Magnolia stellata sont mes préférés», poursuit Michel Farris. «Taillés au fur et à mesure de leur croissance, ils sont très anciens et la simplicité de leurs fleurs, leur silhouette travaillée mais jamais sophistiquée, en font aussi des arbres remarqués du jardin japonais»Aujourd’hui, voisins amoureux du calme de ses jardins et visiteurs du bout du monde, écoliers étonnés et cadres en quête de sérénité, professionnels du paysage ou amateurs de jardins, tous sont attirés par la renommée d’un lieu où se partagent la fidélité à une oeuvre et un réel souci de perfection.

Quand l'été s'approche, c'est le temps des floraisons dans la roseraie, d'inspiration française. Dans les parterres, les cosmos aux pétales diaphanes, captent les rayons du soleil.
Quand l’été s’approche, c’est le temps des floraisons dans la roseraie, d’inspiration française. Dans les parterres, les cosmos aux pétales diaphanes, captent les rayons du soleil.
Image à la une : Havre de paix dans un tissu urbain dense et bruyant, accessibles par le métro parisien, les Jardins du Musée Albert-Kahn resplendissent dès le printemps.

VISITER
Albert-Kahn, musée et jardins
10-14, rue du Port
92100 Boulogne-Billancourt
Tel : +33 1 55 19 28 00