Traditionnelle mais si contemporaine… La pierre naturelle trouve en Wallonie une géologie d’exception. Des sédiments alternativement baignés ou submergés par les eaux chaudes des mers de l’ère primaire, sont nés calcaires et marbres ainsi que des roches siliceuses extrêmement diverses, grès et grès schisteux, schistes, arkose ou quartzite. Aujourd’hui, la pierre n’a pas changé : son utilisation par les hommes participe au développement durable sans le savoir depuis des siècles.
Si la pierre n’a pas variée, la maison actuelle a, par contre, bien évolué. Devenue plus économe en énergie, parfois “passive”, elle continue à mettre en œuvre la pierre : murs, encadrements de baies, sols, escaliers, et même parfois toitures ont recours à ses services. Résistante à l’usure et défiant le temps, d’une inertie thermique qui rime avec économie, la pierre joue de son infinie palette de textures et de nuances pour amadouer les plus exigeants bâtisseurs.
LE MUR
Le mur en simple maçonnerie de moellons taillés a fait place aujourd’hui à des structures plus complexes. Néanmoins le mur de pierre traditionnel n’a pas disparu, ni en milieu rural où il s’intègre avec justesse aux paysages qui l’enserrent, ni en ville où il inspire la stabilité, suggère l’énergie et reste pour le moins intemporel.

Suivant les carrières où il est extrait, le grès schisteux confère à la maçonnerie des tons de bruns, brun-vert, rouille, mais aussi rouge ou presque noir. / Rochehaut / conception Architecten Emmanuel Lenders en partners
La construction de maçonneries à partir de gros blocs de pierre – ici de l’arkose massive – est, en un certain sens, un défi architectural. / Amel / conception Yves Delhez
Les techniques actuelles de construction privilégient notamment la maçonnerie béton ou l’ossature bois. La pierre peut revêtir ces structures et joue alors principalement un rôle esthétique en plus d’être protectrice vis-à-vis de la pluie fouettante. Les techniques diffèrent avec l’emploi de pierres minces fixées sur un support continu — béton ou coffrage perdu sur les liteaux de bois — ou un mur de doublage peu épais en maçonnerie pour supporter son propre poids.

Les pierres naturelles — et plus spécialement les pierres calcaires — sont des matériaux qui peuvent se permettre beaucoup d’audace : être taillés à la forme voulue, découpés, gravés, sculptés… voire peints pour unifier des murs anciens peu homogènes.

Le sculpteur Benoit Luyckx travaille la pierre bleue comme si elle pouvait se modeler dans des formes organiques, bien loin des fractures du matériau originel. Il crée ainsi des panneaux de faible épaisseur pouvant orner un mur ou même jouer un rôle architectural comme des garde-corps pleins.
Un nom sobrement gravé sur le piédroit d’une porte montre comment un détail offre une autre dimension à la pierre. / Lure (F) / M. Vox
LA BAIE
L’architecture traditionnelle régionale de Wallonie a été marquée par le style Renaissance mosane, qui s’inspire des colombages médiévaux et incorpore la pierre calcaire comme composante principale des façades avec la brique. Des éléments de modénature comme des alternances de lignes en brique et pierre mais surtout les encadrements de fenêtres en pierre ont fortement influencé la conception des façades pendant les siècles suivants. Aujourd’hui, cet encadrement très formel a fait place à de nombreuses déclinaisons où la pierre demeure très présente.

Réutilisation des encadrements en pierre bleue traditionnels d’une vieille ferme réaménagée : les châssis en chêne et aux vitres légèrement teintées ressortent sur le plan de la façade en transformant radicalement le style originel. / Redu / conception Dirk Coopman
De l’encadrement ne subsiste plus que le linteau et l’appui de fenêtre, subtilement décalés par rapport à l’axe de la fenêtre et se fondant ainsi dans le rythme de pose de la façade en maçonnerie de schiste. / Martelange / conception Pierre Hebbelinck Atelier d’Architecture
S’il se retrouve encore sur des façades de granges, l’arc est une forme architecturale quasi oubliée tant il dénote avec les lignes épurées et formelles de l’architecture actuelle. On peut pourtant le redécouvrir avec bonheur.

Arc de pierre dans une vieille habitation ardennaise. / Fourneau Saint Michel
Quand l’encadrement a complètement disparu, l’ouverture semble avoir été percée dans le mur de pierre lui-même. C’est notamment le cas dans les structures avec parements de maçonnerie. Mais la percée peut être encore plus radicale.

Ouvertures minimalistes dans une maçonnerie d’arkose : ces gros blocs de verre de l’épaisseur du mur sont insérés comme les moellons et distribuent un éclairage coloré dans la cage d’escalier. / Botrange / conception Jean Englebert
Etroite percée doublée d’un vitrage. / Jodoigne
LE SOL
C’est au sol que la pierre peut se prêter à une infinité de compositions, jeux de couleurs, et de formes. Les grandes dalles remportent souvent la partie : elles deviennent douces aux pieds, notamment avec les chauffages au sol qui font oublier les frimas de l’hiver, et sources d’une fraîcheur si agréable en été.
Qualifié d’«incertum» s’il est irrégulier, ou de «romain» s’il est réalisé à base de dalles orthogonales, l’opus peut revêtir une infinité de modèles. Au sol, la recherche du calepinage idéal fait intervenir différents éléments : la pierre choisie – qui peut se tailler ou non -, la facilité de pose de l’opus dont dépend le prix final du revêtement, l’esthétique recherchée de la pièce ou du bâtiment… A l’intérieur, la priorité va au confort allié à une certaine recherche esthétique.

Au musée de la photographie de Charleroi,des pommiers poussent au travers d’un opus incertum de pierre bleue. / Charleroi / conception L’Escaut
L’ESCALIER
L’accès à une maison se fait souvent par l’intermédiaire de quelques marches : une manière d’assurer la transition entre le niveau de l’habitation et celui de la rue mais aussi de se protéger ou de créer un niveau intermédiaire. Ces quelques marches ont un rôle très particulier, celui de mettre en contact l’intérieur et l’extérieur.

En moellons et dallettes de grès, un escalier monumental s’insère entre deux murs de la même pierre. / Marche-en-Famenne / conception (…)
Marches anguleuses bien dessinées pour que les joints ne soient pas alignés. / Bruxelles / conception Jean Delogne
LE TOIT
Les toits en ardoises ou en lauzes appartiennent aujourd’hui au vocabulaire de nos patrimoines architecturaux. En Ardenne, le toit de pierre de schiste ou d’ardoise était omniprésent. Dans les structures nées de l’utilisation du béton en piliers et dalles, le toit a disparu. Mais il subsiste des architectes pour faire évoluer cet élément a priori incontournable d’une habitation.

Plusieurs plaques recouvertes d’écailles d’ardoises, comme une carapace défensive, pour une forme résolument originale. / Eupen / conception Yves Delhez

Recherches et textes originaux en français :
Dominique Guerrier-Dubarle, Cristina Marchi. 2014
Disponible en quatre langues et en téléchargement sur le site de l’association.